Médité selon les exercices spirituels de St Ignace de Loyola.

Le Notre Père est la première prière qu’il m’a fallu réapprendre, en français d’abord, puis en latin. C’est une prière centrale pour le christianisme. Elle est la « vraie prière », la seule consignée dans les Évangiles comme étant de la bouche même de Jésus-Christ.

Jésus, en réponse à une question des disciples sur la façon de prier, leur déclare : « Quand vous priez, dites : “Notre Père…” » Le texte se trouve, avec quelques variantes, dans les Evangiles selon St Matthieu (6:9-13) et selon Saint Luc (11:2-4). En Matthieu, la prière, qui est mentionnée à la suite du Sermon sur la montagne, comprend sept versets ; en Luc, elle n’en compte que cinq. Ces deux textes ont été rédigés vers la même époque, c’est-à-dire entre 70 et 85.

 « Vous prierez donc ainsi :
Notre Père qui êtes aux cieux, que votre nom soit sanctifié.
Que votre règne arrive ; que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel.
Donnez-nous aujourd’hui le pain nécessaire à notre subsistance.
Remettez-nous nos dettes, comme nous remettons les leurs à ceux qui nous doivent.
Et ne nous induisez point en tentation, mais délivrez-nous du mal ». (Matthieu 6:9-13)

 « Un jour que Jésus était en prière en un certain lieu, lorsqu’il eut achevé, un de ses disciples lui dit : « Seigneur, apprenez-nous à prier, comme Jean l’a appris à ses disciples.  »
Il leur dit : « Lorsque vous priez, dites : Père, que votre nom soit sanctifié, que votre règne arrive.
Donnez-nous aujourd’hui le pain nécessaire à notre subsistance, et remettez-nous nos offenses, car nous remettons nous-mêmes à tous ceux qui nous doivent ; et ne nous induisez pas en tentation. » (Luc 11:1-4)

Le Notre Père se déploie en deux temps.

Les trois premières demandes s’adressent au Père qui se révèle aux hommes.

« Notre Père qui êtes aux cieux, que Votre nom soit sanctifié, que Votre règne arrive, que Votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel. »

Reconnaissance et louange à la gloire ou à la volonté de Dieu : celui qui prie ne demande rien pour lui-même et, implorant Dieu d’établir son Royaume, il s’écarte de ses propres préoccupations.

Le réciter machinalement, évidemment ne suffit pour comprendre l’importance de cette prière. Il m’a fallu approfondir en détail le Notre Père, ses paroles et ses formules traditionnelles.

Dès le commencement, le ton est donné : Père. C’est ainsi que nous nous tournons vers le Dieu Tout-Puissant, Créateur de toutes choses, et nous l’appelons « Père » avec une intimité et une confiance qui seraient inacceptables et inconcevables s’Il n’était pas aussi et surtout un Dieu d’Amour. L’ouverture du Notre Père définit déjà la nature de notre relation avec Dieu : un fils qui se tourne vers le Père, avec respect et révérence, mais surtout avec une confiance et un amour total, avec la certitude de pouvoir toujours trouver l’écoute, le pardon, l’accueil, un lieu sûr pour revenir et trouver refuge. Mais pas seulement. Dieu n’est pas seulement « Mon Père ». Il est le Père de tous les hommes sans distinction. Peu importe ce que nous avons fait de bien ou de mal. Dieu est là et est prêt à nous accueillir dans son étreinte et en tout temps. C’est pourquoi nous disons Notre Père. Sa générosité infinie l’a conduit à se donner aux hommes, à se sacrifier pour nous donner espoir et salut.

Après l’ouverture, la prière continue avec d’autres phrases qui identifient Dieu, non seulement comme Père, mais aussi comme Seigneur de toutes choses. Nous l’avons appelé Père, nous avons dit qu’il était à nous, et pourtant nous n’oublions pas sa grandeur, son omnipotence, son omniscience, Il est le Seigneur de la Terre et du Ciel. Nous disons « qui êtes aux cieux » non pas pour indiquer qu’Il est loin de nous, mais pour nous rappeler que là où Il est, Il sait tout, Il voit tout, il peut tout, et qu’Il ne cesse pas pour autant d’être Notre Père.

À partir de ce point, trois déclarations se succèdent, exprimant de notre part l’engagement au témoignage « que Votre nom soit sanctifié », à la fidélité « que Votre règne arrive » et à l’amour et une foi totale en Dieu « que Votre volonté soit faite ».

Nous disons « que Votre nom soit sanctifié », parce que la tâche (louer, aimer et servir Dieu) de chaque croyant a toujours été de glorifier le nom de Dieu et de le faire connaître à tous, même à ceux qui ne le connaissaient pas. Avec cette formule, nous préservons le nom de Dieu du mépris, des blasphèmes, des outrages et de l’indifférence de ceux qui ne le reconnaissent pas, nous le louons avec respect et joie, espérant qu’Il sera respecté et aimé de tous.

De même, « que Votre règne arrive » est le souhait que nous Lui adressons. Car nous savons que Jésus reviendra, comme Il l’a annoncé, pour le salut de l’humanité. Ce souhait manifeste notre volonté de faire de notre mieux pour que chaque jour, autour de nous, le royaume de Dieu soit présent grâce à nos bonnes actions et au bien que nous sommes capables de faire à notre prochain Le paradis peut être beaucoup plus proche que nous ne le pensons si nous nous efforçons de le rendre réel, d’en construire un « petit morceau » chaque jour.

En disant « que Votre volonté soit faite » nous reconnaissons simplement la supériorité de la volonté de Dieu, de son grand et immense dessein sur notre volonté fallacieuse et égoïste, de nous aider à la reconnaitre et à l’accepter avec humilité et foi. Nous ne serons jamais assez clairvoyants et assez sages pour connaître le grand dessein divin, mais en reconnaissant et en exigeant son accomplissement, nous pouvons en faire partie.

C’est aussi ce qui suit, « sur la terre comme au ciel » : de même que dans le ciel les anges et les saints entourent le trône céleste, glorifiant Dieu éternellement, ainsi devrait-il en être sur terre, aussi petits et indignes que nous soyons. C’est une autre façon de nous rappeler que le paradis commence ici, sur Terre, et que c’est à nous de le construire, avec la bienveillance de Dieu.

Viennent ensuite les trois demandes :

« Donnez-nous aujourd’hui notre pain de ce jour, pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. Mais ne nous laissez pas succomber à la tentation et délivrez-nous du mal. Ainsi soit-il. »

Ce sont donc, la demande de l’aide de Dieu « Donnez-nous aujourd’hui notre pain de ce jour », celle du pardon des péchés « Pardonnez-nous nos offenses…», et enfin celle du salut « Et ne nous laissez pas succomber à la tentation mais délivrez-nous du Mal ».

« Donnez-nous aujourd’hui notre pain de ce jour » donnez-nous ce dont nous avons vraiment besoin, ce qui compte vraiment. Pas de futilités, pas de désirs inutiles et illusoires. Pour nous, fidèles, rien n’est plus nécessaire pour nourrir notre âme, notre vie spirituelle, que le Pain Vivant, le Corps du Christ qui se donne à nous dans l’Eucharistie, et nous assure du salut que Dieu nous a préparé pour la Vie éternelle. Et puisque nous avons aussi des besoins physiques réels, liés aux limites de notre corps, qui mieux que Dieu peut décider de ce qui est vraiment nécessaire pour notre subsistance ? C’est pourquoi nous demandons à Dieu de nous donner ce dont nous avons besoin, Pain Spirituel et pain temporel, et, implicitement, de nous libérer du désir de ce qui est superflu.

Nous demandons aussi à Dieu de pardonner nos péchés, mais pas seulement : nous Lui demandons aussi de nous aider à pardonner à ceux qui nous ont blessés, lésés, accusés, injuriés. Nous sommes les premiers artisans de notre salut : si nous n’apprenons pas à pardonner à nos ennemis, comment pouvons-nous oser demander à Dieu de nous pardonner ? Voici donc la formule « Pardonnez-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés », c’est-à-dire, rendez-nous semblables au Christ, qui a pardonné à ceux qui l’ont flagellé, ceux qui l’ont crucifié, Lui qui n’avait que des paroles de pardon et d’amour pour ses bourreaux. Aucune prière n’a de valeur si elle n’est pas soutenue par les bonnes actions, par le repentir sincère, par la volonté réelle de bien faire.

« Et ne nous laissez pas succomber à la tentation », troisième demande, nous avons tellement besoin de vivre avec droiture et vertu, de résister aux tentations que Satan mettra tout au long de notre chemin. C’est pourquoi nous prions Dieu, non pas tant pour qu’Il nous évite les tentations, mais pour qu’Il nous rende assez forts pour les affronter et les vaincre.

Quand nous demandons à Dieu « mais délivrez-nous du mal », nous lui demandons de nous soutenir dans notre combat quotidien. Comme les enfants effrayés par les monstres des ténèbres, nous demandons à notre Père aide et protection, et ainsi la prière se termine, comme elle a commencé, dans la confortable étreinte de Dieu, sous son regard bienveillant.

Le Notre Père est une prière, mais c’est aussi un retour à la maison, la maison la plus précieuse que nous puissions jamais avoir, l’endroit le plus sûr que nous puissions connaître « maintenant et dans tous les siècles des siècles. »