C’était le dimanche qui précédait la fête de l’Ascension. Comme d’habitude, les 3 petits bergers, Lucie, François et sa sœur Jacinthe, avant de sortir avec leurs brebis, s’étaient rendus tôt matin à l’église paroissiale pour entendre la première messe dominicale, celle qu’on appelle dans le pays, la « Messe des âmes », parce qu’on y prie spécialement pour les défunts.
La messe finie, les enfants revinrent à la maison, prirent le sac qui contenait leur repas, et allèrent, avec les brebis, jusqu’à un terrain appartenant aux parents de Lucie à la Cova da Iria qui signifie, la tombe de Iria, en souvenir de Sainte Iria (Irène) qui avait préféré mourir plutôt que perdre sa pureté.
Ils traversèrent lentement la lande pour permettre aux brebis de brouter le long du chemin et arrivèrent à l’endroit désigné peu avant midi. Ils ouvrirent alors leurs sacs de provisions, ils se signèrent, comme ils en avaient l’habitude, récitèrent un « Notre Père », et se mirent à manger, en prenant soin cependant de garder quelque chose pour le soir, avant de reprendre le chemin de la maison. Ils dirent ensuite les Grâces et récitèrent le chapelet puis, en haut de la pente de la Cova da Iria, se mirent à construire, pour s’amuser, un petit mur autour d’un buisson, quand soudain ils virent comme un éclair.
Ils se regardent tout surpris. Ils savent qu’il n’y a pas d’éclair sans orage. Ils lèvent les yeux vers le ciel, mais il n’y a le moindre indice de pluie. Pas le plus léger nuage ne vient obscurcir l’azur du ciel. Pas le plus léger souffle de vent. Le soleil est splendide, l’atmosphère chaude et calme.
Cependant, ils décidèrent de rentrer à la maison. Les petits descendirent donc la pente, poussant les brebis en direction de la route.
Arrivés à la moitié de la pente, environ à la hauteur d’un petit chêne-vert qui se trouvait là, ils virent un autre éclair puis une Dame toute vêtue de blanc, et qui répandait la lumière autour d’Elle.
Surpris par cette Apparition, les enfants s’arrêtèrent à environ 1m50 de distance d’Elle. Alors la Dame dit :
– N’ayez pas peur, je ne vous ferai pas de mal.
– D’où venez-vous ? demanda Lucie.– Je suis du Ciel, répondit Notre-Dame.
– Et que voulez-vous de moi ?– Je suis venue vous demander de venir ici pendant six mois de suite, le 13, à cette même heure. Ensuite, je vous dirai qui je suis et ce que je veux. Après je reviendrai encore ici une septième fois.
– Est-ce que j’irai au Ciel ? dit l’enfant.– Oui, tu iras.
– Et Jacinthe ?– Aussi.
– Et François ?– Aussi, mais il devra réciter beaucoup de chapelets.
Lucie demanda au sujet de deux jeunes filles mortes depuis peu : Maria, 16 ans, et Amélia, 19 ans, qui allaient chez elle apprendre à tisser :
– Est-ce que Maria est déjà au Ciel ?
– Oui, elle y est.– Et Amélia ?
– Elle sera au Purgatoire jusqu’à la fin du monde.
Il semble que cette jeune fille soit décédée dans des circonstances comportant un irrémédiable déshonneur en matière de chasteté.
– Voulez-vous vous offrir à Dieu pour supporter toutes les souffrances qu’Il voudra vous envoyer, en acte de réparation pour les péchés par lesquels Il est offensé, et de supplication pour la conversion des pécheurs ?
– Oui, nous voulons.– Vous aurez alors beaucoup à souffrir, mais la grâce de Dieu sera votre réconfort.
Pendant qu’Elle prononçait ces paroles, Notre-Dame ouvrit les mains et, comme par un reflet qui émanait d’Elle, une lumière intense s’en dégagea. Lucie dit plus tard que « cette lumière intense pénétra notre cœur jusqu’au plus profond de notre âme. Elle nous faisait nous voir nous-mêmes en Dieu, qui était la lumière, plus clairement que nous nous voyons dans le meilleur des miroirs ».
Les enfants se mirent à genoux en récitant intérieurement cette prière : « Ô, Très Sainte Trinité, je Vous adore. Mon Dieu, mon Dieu, je Vous aime dans le Très Saint-Sacrement. »
Avant de partir, Notre-Dame ajouta :
– Récitez le chapelet tous les jours afin d’obtenir la paix pour le monde et la fin de la guerre.
– Quand arrivera la fin de la guerre ?
– Je ne peux le dire encore, tant que je ne t’ai pas dit aussi ce que je veux.
Après ces paroles, Elle s’éleva doucement, en direction du levant, jusqu’à disparaître dans le Ciel. La lumière qui l’environnait semblait lui ouvrir un chemin.
Cette première Apparition dura environ 10 minutes, François vit la Très Sainte Vierge mais n’entendit pas ses Paroles. Jacinthe, elle, voyait et entendait tout, mais n’osa pas parler à Notre-Dame. Seule Lucie eut le privilège de dialoguer avec Elle. Sur le chemin du retour, les enfants décidèrent de n’en rien dire à personne, craignant de n’être pas cru.
Jacinthe, oubliant sa promesse de ne rien dire, en parla aussitôt à ses parents. Ces derniers interrogèrent le petit François qui confirma tout ce qu’avait raconté sa sœur. Cette révélation arriva aux oreilles de Maria, sœur de Lucie. Questionnée, la petite voyante, dut tout raconter pour ne pas mentir, et la nouvelle se sut dans tout le bourg. Ses parents ne croiront pas à ce qui se raconte, et Lucie se fera donc très sérieusement gronder ; ce qui explique que, plus tard, Jacinthe ne dira plus rien sur ce qu’elle verra.
L’information vint jusqu’aux oreilles du Curé-Prieur de Fatima qui se montra assez perplexe et interrogea maladroitement les pastoureaux. Les petits enfants, impressionnés par l’attitude et le ton sévère du curé, ne gagnèrent pas sa confiance. Jacinthe observa même un mutisme total.
Offusqué, l’abbé durcit sa position et transmit le compte rendu de l’interrogatoire au Cardinal du diocèse de Fatima, qui conclut : « il faut se tenir résolument à l’écart de cela ». Dès lors, le curé se conforme à cette directive, en se montrant très hostile aux événements de la Cova da Iria.
(A suivre avec la prochaine apparition du 13 juin 1917)