Le 13 juin au matin, Lucie, François et Jacinthe, après la messe en l’église de Fatima, se rendirent jusqu’à la Cova da Iria. Vers 11 heures, lorsqu’ils arrivèrent sur le lieu des apparitions, il y avait déjà plusieurs dizaines de personnes, venues pour la plupart des hameaux voisins.
De la paroisse, il n’y avait guère que Maria Carreira. Cette mère de famille, “ la fidèle de la première heure ”, n’avait rien d’une exaltée en quête de merveilleux… C’en était tout le contraire. D’un courage héroïque, d’un grand bon sens, c’est sa foi profonde et son amour de la très Sainte Vierge qui, non sans une grâce spéciale de Dieu, lui firent pressentir presque tout de suite, puis constater de visu qu’il y avait là un authentique fait surnaturel.
Dès qu’elle aperçut Lucie, Maria Carreira s’empressa de lui demander :
« Oh, petite ! quel est le chêne-vert où Notre-Dame est apparue ?
– Voyez ! c’est ici qu’elle se trouvait, répondit Lucie en mettant la main sur la cime de l’arbuste.
C’était un petit chêne-vert, d’un mètre environ de hauteur, dans la force de la croissance. Les branches étaient bien droites, vigoureuses et d’un bel aspect.
Et puis, sans excitation, sans inquiétude, l’on attendit l’heure de l’apparition. « Pour moi, racontait Maria Carreira, comme je me sentais très faible (il devait être près de midi au soleil), je demandai à Lucie :
– Notre-Dame va-t-elle tarder longtemps ?
– Non, Madame, me répondit-elle, elle ne tardera pas.
« La petite attendait les signes qui annonceraient l’apparition. Nous récitâmes le chapelet et, au moment où allait commencer les litanies, Lucie interrompit en disant qu’il n’y avait plus assez de temps pour les réciter. »
Il y avait maintenant autour des voyants une cinquantaine de personnes groupées près du chêne-vert, et tout le monde entendit Lucie s’écrier :
« Voilà l’éclair !… Notre-Dame va arriver ! »
Mais, seuls, les trois enfants l’avaient vu. Les autres ne virent ni l’éclair, ni Notre-Dame…
Cependant, note un témoin, « les branches de l’arbuste ployèrent en rond de tous les côtés, comme si le poids de Notre-Dame avait réellement porté sur elles ».
Voici comment Lucie a relaté l’Apparition dans son IVe Mémoire :
« 13 juin 1917. Après avoir récité le chapelet avec Jacinthe, François et d’autres personnes qui étaient présentes, nous vîmes de nouveau le reflet de la lumière qui s’approchait (ce que nous appelions l’éclair) et, ensuite, Notre-Dame, sur le chêne-vert, tout comme au mois de mai.
– Que veut de moi Votre Grâce ? demandai-je.
– Je veux que vous veniez ici le 13 du mois prochain, que vous disiez le chapelet tous les jours et que vous appreniez à lire. Ensuite, je vous dirai ce que je veux.
Je demandai la guérison d’un malade.
– S’il se convertit, il sera guéri durant l’année.
– Je voudrais vous demander de nous emmener au Ciel.
– Oui, Jacinthe et François, je les emmènerai bientôt mais toi, Lucie, tu resteras ici pendant un certain temps. Jésus veut se servir de toi afin de me faire connaître et aimer. Il veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé. À qui embrassera cette dévotion, je promets le salut, ces âmes seront chéries de Dieu, comme des fleurs placées par Moi pour orner son trône.
– Je vais rester ici toute seule ? demandai-je avec peine.
– Non, ma fille. Tu souffres beaucoup ? Ne te décourage pas, je ne t’abandonnerai jamais ! Mon Cœur Immaculé sera ton refuge et le chemin qui te conduira jusqu’à Dieu.
Ce fut au moment où Elle prononça ces dernières paroles qu’Elle ouvrit les mains et nous communiqua, pour la deuxième fois, le reflet de cette lumière immense. En Elle, nous nous vîmes comme submergés en Dieu. Jacinthe et François paraissaient être dans la partie de cette lumière qui s’élevait vers le Ciel, et moi dans celle qui se répandait sur la terre.
Devant la paume de la main droite de Notre-Dame se trouvait un Cœur, entouré d’épines qui semblaient s’y enfoncer. Nous avons compris que c’était le Cœur Immaculé de Marie, outragé par les péchés de l’humanité, qui demandait réparation ».
« Quand Notre-Dame s’éloigna de l’arbuste, rapporte Maria Carreira, il y eut comme le souffle d’une fusée d’artifice lorsqu’on l’entend monter au loin. Lucie se leva très vite et, en tendant le bras, elle disait :
– Voyez, Elle s’en va, Elle s’en va !
Quant à nous, nous ne vîmes rien, seulement un petit nuage, distant du feuillage de l’arbuste d’une main ouverte, qui s’élevait doucement vers l’orient, jusqu’au moment où il se dissipa complètement. Certaines gens disaient : “ Je le vois encore, il est là ! ”… Jusqu’à ce que, pour finir, personne ne prétendit plus le voir.
Les petits restaient silencieux, les yeux fixés sur le même point du ciel, jusqu’à ce que Lucie, au bout d’un moment, déclarât : “ C’est fini ! Maintenant on ne la voit plus ; elle est rentrée au Ciel ; les portes se sont refermées. ” En nous tournant alors vers le chêne-vert miraculeux, quelle ne fut pas notre surprise de voir que les petites branches du sommet, qui étaient auparavant toutes droites, étaient maintenant un peu inclinées vers l’est, comme si elles avaient été réellement foulées par quelqu’un. »
– Je remarquai un fait étonnant, rapporte un autre témoin. À la fin de l’apparition, lorsque Lucie annonça que Notre-Dame partait dans la direction de l’est, tous les rameaux de l’arbre se ramassèrent et s’infléchirent de ce côté, comme si Notre-Dame, en partant, avait laissé traîner sa robe sur la ramure.
Les cinquante premiers pèlerins du 13 juin, rentrés chez eux pleins de joie et de ferveur, publièrent partout la bonne nouvelle : Oui, c’était vrai, Notre-Dame était apparue une deuxième fois à la Cova da Iria ! et ce n’était pas fini, elle reviendrait tous les treize du mois, jusqu’en octobre ! Ils surent si bien communiquer leur confiance enthousiaste que, le 13 juillet, en pleine période de moisson, ils seront des milliers à vouloir assister au céleste rendez-vous…
Le fruit de la vision fut pour nos pastoureaux une connaissance intime et un ardent amour du Cœur Immaculé de Marie. « Il me semble que ce jour-là, écrit Lucie, ce reflet avait pour but principal de mettre en nous une connaissance et un amour spécial envers le Cœur Immaculé de Marie. Depuis ce jour, nous sentîmes au cœur un amour plus ardent envers le Cœur Immaculé de Marie. Jacinthe, plus particulièrement, était débordante de ferveur :
« Elle me disait de temps en temps : “ Notre-Dame a dit que son Cœur Immaculé serait ton refuge, et le chemin qui te conduirait à Dieu. N’aimes-tu pas cela beaucoup ? Moi, j’aime tant son Cœur, Il est si bon ! ” »
Dans la lumière même de Dieu, les enfants purent voir l’expression symbolique de la diversité de leurs vocations. Après la vision, François s’étonnait : « Tu te trouvais avec Notre-Dame, disait-il à Lucie, dans la lumière qui descendait vers la terre, et Jacinthe avec moi dans celle qui montait vers le Ciel. » Lucie le lui expliqua. La prophétie qu’elle formula sur son propre compte est à signaler, elle s’est réalisée à la lettre :
« C’est que, répondis-je, toi et Jacinthe, vous irez bientôt au Ciel, et moi je resterai avec le Cœur Immaculé quelque temps encore sur la terre.
– Combien d’années resteras-tu ici ? demanda-t-il.
– Je ne sais pas, beaucoup d’années.
– C’est Notre-Dame qui te l’a dit ?
– Oui, c’est Elle, et je l’ai vu dans cette lumière qu’elle nous mettait dans la poitrine.
« Jacinthe confirma ce que je disais, en déclarant : “ Oui, c’est bien ainsi ! Moi aussi, je l’ai vu ainsi ! ” »