Ecoutons encore Anne Catherine Emmerich :

« Je vis alors le saint ménage commencer une vie toute nouvelle. Ils voulaient sacrifier à Dieu tout le passé, et faire comme s’ils se réunissaient pour la première fois ; ils s’efforcèrent, dès lors, par une vie agréable à Dieu, de faire descendre sur eux cette bénédiction qui était le seul objet de leurs désirs.

Je les vis tous deux visiter leurs troupeaux et en faire trois parts, comme faisaient leurs parents : pour le temple, pour les pauvres et pour eux-mêmes. Ils faisaient conduire au temple ce qu’il y avait de mieux ; les pauvres recevaient un bon tiers ; ils conservaient pour eux la moins bonne part, et ils faisaient ainsi pour tout. Leur maison était assez spacieuse ; ils vivaient et dormaient dans de petites chambres séparées où je les voyais très souvent, chacun de son côté, prier avec une grande ferveur. Je les vis vivre ainsi longtemps ; ils donnaient de grandes aumônes, et chaque fois qu’ils partageaient leurs troupeaux et le reste de leur avoir, tout se multipliait de nouveau rapidement. Ils vivaient modestement dans les privations et le renoncement. Je les voyais aussi, lorsqu’ils priaient, mettre des habits de pénitence ; et, plusieurs fois, je vis Joachim visitant ses troupeaux dans des endroits éloignés, et priant Dieu dans la prairie.


Ils persévérèrent dans cette vie austère menée en présence de Dieu, pendant dix-neuf ans après la naissance de leur premier enfant ; ils désiraient ardemment la bénédiction promise, et leur tristesse allait toujours croissant. Je vis des hommes pervers du pays, venir vers eux et les injurier, leur disant :  » Qu’ils devaient être des méchants, puisqu’ils ne pouvaient pas avoir d’enfants ; que la petite fille ramenée chez les parents d’Anne n’était pas à eux ; qu’Anne était stérile ; qu’elle avait supposé cet enfant, qu’autrement elle l’aurait avec elle  » ; et ainsi de suite. Ces paroles redoublaient l’abattement des pieux époux.

Anne avait la ferme croyance et la certitude intérieure que l’avènement du Messie était proche et qu’elle appartenait à la famille qui devait être selon la chair celle du Sauveur. Elle priait et appelait à grands cris l’accomplissement de la promesse, et continuait, ainsi que Joachim, à tendre vers une pureté de plus en plus parfaite. La honte de sa stérilité l’attristait profondément ; elle pouvait à peine se montrer à la synagogue sans y recevoir quelque affront.

Joachim, quoique petit et maigre, était pourtant robuste. Anne aussi n’était pas grande, et sa complexion était délicate ; le chagrin la consumait à tel point, que ses joues étaient devenues creuses, quoique toujours assez colorées. »