19 mars : Saint Joseph
Saint Joseph est un homme juste qui accepta de prendre Marie pour épouse alors qu’elle s’était consacrée au Seigneur, un homme juste qui, lui-même à près de 35 ans, avait décidé de rester chaste jusqu’au mariage selon la loi de Moïse, un homme juste, donc, qui allait vivre trois jours de souffrances dignes de la Passion du Christ !
Par amour pour cette petite Marie de 15 ans, si douce, si pure, il avait accepté d’honorer son vœu de virginité.
Juste après l’annonciation, Marie était allé rendre visite à sa vieille cousine Elisabeth, enceinte de six mois de St Jean Baptiste. Elle y resta trois mois jusqu’à la circoncision du petit Jean.
Quand Joseph revint la chercher à Jérusalem, il s’aperçut que ses formes avaient changées mais il ne dit rien !
Mais écoutons Maria Valtorta raconter ce que Marie lui dit lors d’une de ses visions :
« Mon Joseph aussi a eu sa Passion. Et elle commença à Jérusalem quand il se rendit compte de mon état, et elle a duré des jours. Et spirituellement elle fut douloureuse. C’est uniquement par la sainteté de Joseph, mon époux, qu’elle s’est maintenue sous une forme tellement digne et secrète qu’elle est passée peu connue à travers les siècles.
Oh ! Notre première Passion ! Qui peut en dire l’intime et silencieuse intensité ? Qui peut en dire ma douleur en constatant que le Ciel ne m’avait pas encore exaucée en révélant à Joseph le mystère ?
Il l’ignorait, ce mystère, je l’avais compris en le voyant à mon égard simplement respectueux comme à l’ordinaire. S’il avait su que je portais en moi le Verbe de Dieu, il aurait adoré ce Verbe en mon sein, avec des actes de vénération dus à Dieu, et il n’aurait pas manqué de les faire, comme moi je n’aurais pas refusé de les recevoir, non pas pour moi, mais pour Celui qui était en moi, que je portais comme l’Arche d’Alliance portait les tables de la Loi.
Qui peut dire mon combat contre le découragement qui tentait de m’accabler pour me persuader que j’avais espéré en vain dans le Seigneur ? Oh ! je crois que ce fut une rage de Satan ! Je sentais le doute me saisir aux épaules et allonger ses tentacules pour emprisonner mon âme et l’arrêter dans sa prière. Le doute, si dangereux, mortel pour l’esprit. Mortel car c’est bien la première attaque de la maladie qui se nomme « désespoir » et contre laquelle l’esprit doit réagir de toutes ses forces pour ne pas voir périr son âme et perdre Dieu.
Qui pourrait dire avec une exacte vérité la douleur de Joseph, ses pensées, le trouble de ses affections ? Comme une petite embarcation prise dans une grande bourrasque, il se trouvait dans un tourbillon d’idées opposées, de réflexions plus pénibles et plus cruelles l’une que l’autre. En apparence, c’était un homme trahi par sa femme. Il voyait crouler en même temps son bon renom et l’estime du monde à cause d’elle, il se voyait déjà montré du doigt et l’objet de la compassion du pays. Il voyait l’amour et l’estime qu’il avait pour moi tomber morts devant l’évidence du fait.
Ici sa sainteté resplendit encore plus que la mienne, et j’en témoigne avec mon amour d’épouse, car je veux que vous l’aimiez, mon Joseph, cet homme sage et prudent, patient et bon.
S’il avait été moins saint, il aurait agi humainement en me dénonçant comme adultère pour me faire lapider et faire périr avec moi le fruit de mon péché. S’il avait été moins saint, Dieu ne lui aurait pas donné la lumière pour le guider en une telle épreuve. Mais Joseph était saint. Son esprit, toute pureté, vivait en Dieu. La charité en lui était ardente et forte. Journées peu nombreuses, mais terribles par leur intensité, celles de la passion de Joseph et de ma passion, de cette première passion dont je dus souffrir. Car je comprenais sa souffrance et ne pouvais la lui enlever aucunement pour rester fidèle à l’ordre de Dieu qui m’avait dit : « Tais-toi ! »
Et quand, à notre arrivée à Nazareth, je le vis me quitter après un laconique salut, courbé et vieilli, pour ainsi dire, en peu de temps, quand je vis qu’il ne venait pas me rendre visite le soir comme il en avait l’habitude, je vous le dis, mes fils, mon cœur éploré eut à souffrir une douleur aiguë. Enfermée dans ma maison, seule, dans la maison où tout me rappelait l’Annonciation et l’Incarnation, et où tout me ramenait au cœur le souvenir de Joseph uni à moi dans une virginité sans tache, je dus résister au découragement, aux insinuations de Satan et espérer, espérer, espérer. Et prier, prier, prier. Et pardonner, pardonner, pardonner à Joseph son soupçon, sa révolte de juste indigné. »
Et voici la suite de la vision :
« Marie sursaute en entendant un coup frappé résolument à la porte extérieure de la maison.
Elle se trouve en face de Joseph. Elle pâlit jusqu’aux lèvres. Marie regarde d’un œil qui interroge avec tristesse. Le regard de Joseph paraît suppliant. Ils gardent le silence, en se regardant. Puis Joseph entre et ferme la porte. Il ne parle pas encore.
« Parle Joseph, qu’est-ce que tu veux ? » « Ton pardon. »
Joseph s’incline comme s’il voulait s’agenouiller. Mais Marie, toujours si réservée pour le toucher, le prend résolument par les épaules et l’en empêche.
« Mon pardon ? Je n’ai rien à te pardonner, Joseph. Je n’ai qu’à te remercier encore de tout ce que tu as fait ici en mon absence et pour l’amour que tu me portes. » « Pardon, Marie. J’ai manqué de confiance. Maintenant, je sais. Je suis indigne d’avoir un tel trésor. J’ai manqué de charité. Je t’ai accusée en mon cœur. Je t’ai accusée sans justice puisque je ne t’avais pas demandé de me dire la vérité. J’ai failli envers la Loi de Dieu en ne t’aimant pas comme je me serais aimé… »
« Oh ! non ! Tu n’as pas manqué ! »
« Oui, Marie. Si j’avais été accusé d’un pareil crime, je me serais défendu. Toi… Je ne t’ai pas permis de te défendre, puisque j’allais prendre une décision sans t’interroger. Je t’ai manqué en t’offensant par un soupçon. Rien qu’un soupçon, c’est une offense, Marie. Qui soupçonne méconnaît. Je ne t’ai pas connue comme je le devais. Mais pour la douleur que j’ai soufferte… trois journées de supplice, pardonne-moi, Marie. »
« Je n’ai rien à te pardonner. Mais plutôt je te demande pardon de la douleur que je t’ai causée. »
« Oh ! oui, quelle douleur ç’a été ! Quelle douleur ! Regarde, Ce matin, on m’a dit que j’avais des cheveux blancs sur les tempes et des rides sur le visage, Plus de dix ans de vie se sont écoulés en ces jours. Mais pourquoi, Marie, as-tu été humble au point de me cacher à moi, ton époux, ta gloire, et permettre que je te soupçonne ? »
Joseph n’est pas à genoux, mais il est tellement courbé que c’est tout comme, et Marie pose sur sa tête sa petite main en souriant. Elle dit :
« Si mon humilité n’avait pas été parfaite, je n’aurais pas mérité de concevoir Celui qu’on attendait. Celui qui vient annuler la faute d’orgueil qui a ruiné l’homme. Et puis j’ai obéi… Dieu m’a demandé cette obéissance. Elle m’a coûté tellement… pour toi, pour la douleur que tu en éprouverais. Mais je n’avais qu’à obéir. Je suis la servante de Dieu et les serviteurs ne discutent pas les ordres qu’ils reçoivent. Ils les exécutent, Joseph, même s’ils leur font pleurer du sang. »
Marie pleure doucement en disant cela. Si doucement que Joseph tout courbé ne s’en aperçoit que quand une larme tombe à terre.
Alors il redresse la tête et – c’est la première fois que je le vois faire cela – il serre les petites mains de Marie dans ses mains fortes et hâlées et baise l’extrémité de ces doigts délicats.
« Maintenant il faut pourvoir, parce que… Il faudra faire vite. Je viendrai vivre ici. Nous accomplirons le mariage… La semaine prochaine, ça va… ? »
Marie pleure de joie. Des larmes si heureuses. Et Joseph, agenouillé maintenant à ses pieds, pleure, la tête cachée dans l’ample vêtement de Marie.
La vision se termine là.