La tradition signale d’autres choses encore que les bergers trouvèrent dans la grotte. Elle nous apprend qu’il y avait un bœuf et un âne.

Les Pères de l’Église Grecque et de l’Église Latine l’appuient de leur autorité. Nommons seulement saint Grégoire de Nazianze, saint Grégoire de Nysse, Prudence, saint Jérôme. L’Église elle-même l’adopte en la faisant passer dans les offices de Noël et de la Circoncision. Bien des siècles avant l’événement, le prophète Isaïe, appelé l’historien anticipé de Notre-Seigneur, avait annoncé cette circonstance de la naissance du Rédempteur universel. « Le bœuf, dit-il, a connu son maître, et l’âne la crèche de son Seigneur. »

Ces deux animaux figuraient les Juifs et les Gentils, deux peuples au milieu desquels le divin Enfant venait se placer pour les unir et n’en former qu’une seule société.

L’âne avait servi de monture à la Sainte-Vierge pour venir de Nazareth à Bethléem, et le bœuf avait été amené par saint Joseph pour payer le tribut à César. C’était peut-être la meilleure part de la fortune de la Sainte Famille.

Le nouveau-né reposait là, inaperçu du monde et protégé par la pauvreté. Cependant, les prodiges qui avaient signalé sa naissance ne pouvaient demeurer longtemps ignorés. L’arrivée des Mages à Jérusalem vint bientôt en donner la certitude et exciter les craintes sanguinaires du cruel Hérode.

Les Bergers ne furent pas les derniers à soupçonner le danger qui menaçait l’enfant Jésus. A leur éternelle louange, il ne se trouva parmi eux ni un espion ni un traître. Loin de là, ils cachèrent avec soin la Sainte Famille, en attendant que le Père éternel lui-même pourvût à la sûreté de son Fils.

Suivant la tradition encore vivante à Bethléem, la Sainte Vierge, pour échapper à Hérode, quitta sa première retraite et chercha un refuge dans la grotte d’un rocher voisin de Bethléem. Là, elle vécut en sûreté sous la protection des Bergers.

A la preuve de la sainteté des trois bergers se joignent les témoignages de la tradition. Dans le manuscrit arabe de Mardin, les trois bergers sont représentés avec le nimbe. Or, il est notoire que dans les peintures ou sculptures chrétiennes le nimbe est le signe distinctif de la sainteté. Des monuments primitifs ne le donnent qu’à Notre-Seigneur, aux Apôtres et aux saints. Cette règle invariable prouve que dans la Mésopotamie, pays si bien placé pour connaître la tradition évangélique, les trois bergers étaient, dès la plus haute antiquité, tenus pour saints.

La première vertu qui resplendit en eux, c’est l’humilité. Ils sont humbles devant les hommes et devant Dieu. Devant les hommes, ils ne sont que de pauvres bergers ; devant Dieu, ils sont pleins du sentiment de leur petitesse. S’ils avaient été orgueilleux, à coup sûr l’Enfant Jésus, le modèle, le prédicateur, l’ami par excellence de l’humilité, ne les aurait pas choisis, de préférence à tous les autres hommes, pour ses premiers courtisans.

Fille de l’humilité, la simplicité est la seconde vertu de nos saints bergers. Plus que toute autre, la vie pastorale est éminemment propre à nourrir cette simplicité de mœurs et de langage dont les charmes gagnent tous les cœurs.

La foi des pasteurs de Bethléem brille dans l’assentiment instantané qu’ils donnent aux paroles de l’archange Gabriel : « Le Sauveur vous est né ». Elle brille dans la promptitude avec laquelle ils se rendent à la grotte. Elle brille dans l’adoration du Créateur du monde, caché sous la forme d’un petit enfant, enveloppé de pauvres langes. Elle brille dans les louanges qu’ils rendent à Dieu, en revenant auprès de leurs troupeaux, dans leurs transports d’allégresse et dans l’annonce à tout ce qu’ils rencontrent de ce qu’ils ont vu et entendu.

L’espérance marche de pair avec leur foi. Comme tout Israël, ils attendaient le Messie promis à leurs pères. La nouvelle de sa venue les comble de joie. Prosternés aux pieds de l’Enfant Dieu, ils n’espèrent plus, ils possèdent.

Il faut aussi ajouter le mérite de l’apostolat ; car ils purent dire aux hommes avant le disciple bien-aimé : « Ce que nous avons vu de nos yeux et touché de nos mains, le Verbe fait chair, nous vous l’annonçons. »  Et tous ceux qui les entendaient admiraient ce qui leur avait été rapporté par les bergers.

Ils ont mérité aussi que leurs paroles à la crèche, inspirées par le Saint-Esprit, fussent conservées, comme dans un trésor, dans le cœur de la Très-Sainte Vierge, qui s’en nourrissait avec bonheur. Aux prophètes, il fut donné de parler au cœur de Jérusalem ; aux bergers, de parler au cœur de Marie. Qui peut se flatter d’une pareille gloire ?