Le Carême commence aujourd’hui, mercredi des Cendres, 17 février 2021.

Il nous est demandé par l’Eglise de pratiquer le jeûne ce jour-là, mais que faire concrètement ? Il importe de tenir en premier lieu ce à quoi l’Église oblige, mais il serait peut-être regrettable de s’en arrêter là.

Saint Benoît nous dit, dans ses « Instruments de la perfection », qu’il faut « aimer le jeûne ».

« Ce qui met le démon en déroute, c’est la privation dans le boire, le manger et le dormir. Il n’y a rien qu’il redoute plus que cela. Lorsque j’étais seul, il m’arrivait de ne pas manger pendant des journées entières. J’obtenais alors du Bon Dieu tout ce que je voulais, pour moi comme pour les autres. » Cette confidence est du saint curé d’Ars, à un jeune prêtre lui demandant le secret de ses conquêtes.

Le jeûne est un moyen et non une fin en soi. C’est un moyen très efficace pour vivre selon l’esprit et non selon la chair, pour donner beaucoup plus de poids à nos prières, pour réparer nos péchés passés et en éviter de futurs.

La pratique du jeûne est louée dans toute la Sainte Écriture. Un jour, un homme vient trouver Notre Seigneur pour qu’il fasse quelque chose pour son fils possédé par un démon :

« J’ai dit à vos disciples de le chasser, mais ils ne l’ont pu » (Mc 9, 17). Notre-Seigneur libère alors immédiatement le jeune homme et explique à ses disciples : « Cette sorte de démon ne se chasse que par la prière et le jeûne » (Mc 9, 28).

Pourquoi le jeûne obtient-t-il des fruits ? Nous sommes corps et âme. En raison des conséquences du péché originel, il y a une lutte entre les deux ; le corps fait la guerre à l’âme. Le jeûne vient donc affaiblir le corps pour que l’âme prenne plus facilement le dessus dans cette lutte.

De plus, beaucoup de péchés viennent d’un excès dans le boire et le manger. Donc le jeûne limite ces péchés, les fait même disparaître. Si nous ne nous mortifions jamais dans ce domaine, tous les fruits de la gourmandise peuvent apparaître. Car il y a une sorte de gourmandise dans la joie factice, dans la perte de temps en paroles vaines, dans la diminution des facultés intellectuelles (le ventre plein n’étudie pas librement…), dans une difficile maîtrise des sens.

La préface de Carême résume les fruits du jeûne :

« Dieu éternel et tout-puissant, qui par le jeûne du corps réprimez les vices, élevez l’âme, donnez la force et la récompense (…) »

Il y a en fait le jeûne ecclésiastique. C’est celui que commande l’Église à ses fidèles certains jours dans l’année. Il consiste à prendre un seul repas principal par jour et une petite collation aux deux autres repas. Il oblige tous les fidèles, de 18 à 60 ans. Le code de droit canonique de 1917 enseigne que le jeûne ecclésiastique est à observer tous les jours de Carême : du mercredi des Cendres au Samedi Saint.

Et il y a le jeûne moral. Il s’agit de toute restriction volontaire que l’on s’impose en matière de nourriture. Par ce jeûne, nous témoignons à Dieu que nous sommes prêts, pour lui plaire, à sacrifier des satisfactions permises à notre corps. Il est bon d’avoir en estime ce moyen très efficace pour attirer la grâce divine, et s’en servir progressivement.

Saint François de Sales dit qu’il faut « traiter notre corps comme un enfant : le corriger sans l’assommer ».

Sœur Lucie de Fatima écrit pour sa part qu’il ne faut pas se limiter au jeûne ecclésiastique, « car il s’agit de très peu de choses face au besoin où nous sommes tous de faire pénitence pour nos péchés et pour ceux de notre prochain. Il faut offrir à Dieu en sacrifice quelques petits plaisirs dans la nourriture sans que ça porte atteinte aux forces physiques dont nous avons besoin pour travailler ». Sœur Lucie donne des exemples : entre deux fruits, choisir celui que nous aimons le moins ; quand nous avons soif, attendre un peu avant de boire ; ne pas manger en dehors des repas ; il faut penser à toujours faire une petite privation sans que personne ne s’en rende compte. Si nous faisons cela, nous développons la vertu de tempérance, nous prenons le pli de la mortification, le jeûne devient aisé.

Le dernier mot revient au Christ qui nous dit :

« Lorsque vous jeûnez, ne prenez pas un air triste, comme les hypocrites ; car ils exténuent leur visage, pour faire voir aux hommes qu’ils jeûnent. En vérité, je vous le dis, ils ont reçu leur récompense. Mais toi, lorsque tu jeûnes, parfume ta tête, et lave ton visage, afin de ne pas faire voir aux hommes que tu jeûnes, mais à ton Père, qui est présent dans le secret ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra » (Mt 6, 16-18).