Cette icône peut paraître étrange aux yeux d’un occidental moderne. Elle ne dépeint pas Marie comme une délicate jeune fille aux yeux baissés. Son regard droit, ses traits vigoureux s’imposent. Nous sommes frappés par les qualités irréalistes des silhouettes. Jésus a la taille d’un bambin, mais ses traits sont ceux d’un enfant plus âgé.

En tout premier lieu, on voit Marie, elle domine l’image et elle regarde droit vers nous ; non pas vers Jésus, ni vers le ciel, ni vers les anges au-dessus de sa tête. C’est chacun de nous qu’elle regarde, comme si elle avait quelque chose de très important à nous dire. Ses yeux semblent être sérieux, voire même tristes, mais ils commandent l’attention. Sa bouche est close, sa lèvre inférieure légèrement remontée comme dans un sanglot. (J’ai remarqué la même position de la bouche dans l’œuvre magistrale de Michel-Ange : La Piéta !) L’étoile à huit branches, déposée sur son front, fut probablement ajoutée par un artiste postérieur pour représenter l’idée orientale que Marie est l’étoile qui nous guide vers Jésus. Les lettres au-dessus de sa tête la proclament Mère de Dieu (en grec).

Marie nous fixe d’un regard grave et doux : l’itinéraire du Rédempteur est chose sérieuse. Son regard est fixé sur nous, mais ses bras portent Jésus. Les initiales grecques à droite de l’enfant et son halo décoré par une croix proclament qu’il est « Jésus Christ ».

Jésus ne nous regarde pas, ni Marie, ni les anges. Bien qu’il se cramponne à sa mère, il regarde au loin, vers quelque chose que nous ne pouvons pas voir, quelque chose qui l’a fait courir si vite vers sa mère qu’une de ses sandales a failli tomber par terre, quelque chose qui le porte à s’accrocher à elle pour y quêter protection et amour. Le détail de la sandale qui se détache de son pied nous dit tout de son destin en faisant référence à la coutume israélite de sceller un rachat en donnant sa sandale droite. Par l’offrande qu’il fera de lui-même, il exerce « le droit de rachat sur toute l’humanité » (Ruth 4,7).

Les personnages qui voltigent de chaque côté de Jésus et de Marie sont nommés par les lettres grecques placées au-dessus d’eux les identifiant comme l’ange Gabriel et St Michel archange –. Plutôt que de brandir des harpes ou des trompettes de louange, ils portent les instruments de la Passion du Christ. A gauche, St Michel tient une urne remplie de vinaigre et le roseau muni de l’éponge que les soldats offrirent à Jésus sur la croix et la lance qui a transpercé son côté. A droite, Gabriel porte la croix et les quatre clous.

Jésus a entrevu une partie de sa destinée, la souffrance et la mort qu’il devait endurer. Bien qu’il soit Dieu, il est également humain et éprouve de la frayeur à la vue de son terrifiant avenir. Il est accouru vers sa mère qui le tient collé sur elle en ce moment de panique, de la même façon qu’elle se tiendra à son côté au cours de sa vie et à l’heure de sa mort. Bien qu’elle ne puisse lui épargner sa souffrance, elle peut l’aimer et le réconforter.

Et alors, pourquoi Marie nous regarde-t-elle si intensément plutôt que de jeter les yeux sur son fils dans la détresse ? Son regard nous dit que, tout comme Jésus accourt vers sa mère pour y trouver refuge, ainsi nous pouvons accourir vers Elle.

Sa main ne serre pas les mains de son fils effrayé dans une attitude d’étreinte protectrice, mais demeure ouverte, nous invitant à placer nos mains dans les siennes et à nous joindre à Jésus.

Marie sait qu’il y a dans nos vies beaucoup de choses périlleuses et terrifiantes, et que nous avons besoin de quelqu’un à qui nous confier dans les moments de souffrance et d’effroi. Elle nous offre le même réconfort et le même amour qu’elle a donnés à Jésus. Elle nous dit de courir vers elle aussi vite que Jésus l’a fait.