Les petits voyants de Fatima se désolent car ils ne peuvent pas aller au saint rendez-vous de la Vierge Marie du 13 août. Après de longs interrogatoires, ils ont été séquestrés et ne seront libérés que le 15 août. Quatre jours s’étaient écoulés depuis le retour des enfants de la prison. Ils calculaient tristement qu’il leur faudrait attendre encore presque un mois avant de revoir Notre-Dame. En ce dimanche 19 août, après la Messe paroissiale, Lucie, François ainsi que son frère Jean âgé de onze ans partent aux Valhinos pour y garder leur troupeau.  Jacinthe reste à la maison car sa mère veut lui laver les cheveux.

Il est environ 4 heures de l’après-midi, quand Lucie commence à remarquer dans l’atmosphère les changements qui précédaient les apparitions de Notre-Dame : un rafraîchissement subit de la température, une atténuation de l’éclat du soleil, enfin l’éclair caractéristique.

« Notre-Dame va venir, se dit Lucie… et Jacinthe qui n’est pas là ! »

Elle fait appel à Jean, frère aîné de François et de Jacinthe : « Oh, Jean ! Va vite chercher Jacinthe ! Notre-Dame va venir ! »

Au premier éclair avait succédé un second, et c’est à ce moment même que Jacinthe arrive avec son frère Jean. Peu après, la lumineuse Apparition se montre au-dessus d’un chêne-vert un peu plus élevé que celui de la Cova da Iria. Quelle joie ineffable de La revoir, après avoir tant craint qu’Elle ne revienne plus ! Quelle bonté maternelle de revenir exprès, pour remplacer le rendez-vous manqué six jours auparavant !

Avec une confiance toute filiale, Lucie demanda :

« Que veut de moi Votre Grâce ?

– Je veux que vous continuiez d’aller à la Cova da Iria le 13, que vous continuiez à réciter le chapelet tous les jours. Le dernier mois, Je ferai le miracle afin que tous croient. Si l’on ne vous avait pas emmenés à la Ville, le miracle aurait été plus connu. Saint Joseph viendra avec l’Enfant-Jésus, pour donner la paix au monde. Notre-Seigneur viendra bénir le peuple. Viendra aussi Notre-Dame du Rosaire et Notre-Dame des Douleurs. »

Et, prenant un air plus triste :

« Priez, priez beaucoup et faites des sacrifices pour les pécheurs, car beaucoup d’âmes vont en enfer parce qu’elles n’ont personne qui se sacrifie et prie pour elles. »

Et comme d’habitude, Elle commença à s’élever en direction du levant. 

Les enfants, cette fois, voulurent cueillir eux-mêmes un rameau du chêne-vert sur lequel s’étaient posés les pieds de la Vierge Marie.

Le frère et la sœur tenaient à la main le précieux rameau de l’arbuste, souvenir de l’Apparition. En entrant dans le village, ils trouvèrent, quelques personnes à la porte de la maison de Lucie.

Jacinthe, tout émue, dit aussitôt à la mère de Lucie :

« Oh, ma tante ! Nous avons vu encore une fois Notre-Dame !

– Ah, Jacinthe ! Vous serez donc toujours des menteurs ? Est-ce que Notre-Dame va maintenant apparaître partout où vous allez ?

– Mais nous l’avons vue ! » insistait la petite. Et, montrant à sa tante le rameau de chêne-vert qu’elle tenait à la main, elle continua : « Voyez, ma tante ! Notre-Dame avait un pied sur cette petite branche, et un autre sur celle-ci.

– Donne !… Montre-le-moi ! »

Jacinthe lui remit le rameau, et Maria Rosa le porta à son nez. « Mais quelle est cette odeur ? » Sa curiosité était piquée au vif. Elle continuait à le sentir et s’étonnait : « Ce n’est pas du parfum… ni de l’encens… ni de la savonnette… Cela sent la rose. Non, ce n’est pas encore cela, ni rien de ce que je connais !… Quelle bonne odeur ! »

Tous voulurent sentir aussi le rameau et tous trouvèrent l’odeur très agréable. Enfin, Maria Rosa le posa sur la table : « Je le laisse là. Je trouverai bien quelqu’un qui saura identifier cette odeur. »

Depuis ce moment, la mère de Lucie commença à être ébranlée dans son opposition aux Apparitions. Elle retrouva un peu de paix. Elle avait souvent dit : « S’il y avait au moins une autre personne qui ait vu quelque chose, je croirais peut-être ! Mais parmi tant de monde, eux seuls voient ! » Or, durant ce dernier mois, certains rapportaient avoir vu divers phénomènes. Maria Rosa d’observer alors : « Pour moi, il me semblait, auparavant, que s’il y avait eu quelqu’un d’autre à voir quoi que ce soit, j’aurais cru. Mais, à présent, tant de gens disent avoir vu quelques signes et je ne parviens pas à croire. »

Le père de Lucie, quant à lui, commença à prendre sa défense. Quand ses sœurs se moquaient d’elle, leur père les priait de la laisser en paix, car ses dires pouvaient être vrais.

Ce même 19 août, dès que Maria Rosa eut repris ses occupations domestiques, Jacinthe rentra furtivement dans la maison et s’empara du rameau pour le montrer à ses parents.

Monsieur Marto, en effet, n’apprit que le soir la nouvelle apparition de la Vierge Marie à ses enfants. Écoutons-le :

« J’étais allé ce jour-là faire un tour dans mes champs. Après le coucher du soleil, je revins à la maison. J’étais sur le point d’y entrer, lorsque je rencontrai un ami qui me dit :

– Oh ! Ti Marto, le miracle est plus certain désormais.

– Moi, je ne sais rien, répondis-je.

– Quoi ? Vous ne savez pas ?

– Non ! Que pourrais-je savoir de plus ?

– Eh bien, sachez que Notre-Dame est apparue, il y a un instant aux Valinhos, à vos enfants et à Lucie. C’est sûr ! Ti Manuel, et, croyez-moi ! votre Jacinthe a une “ vertu ” particulière. Elle n’était pas avec les autres… Quelqu’un est venu l’appeler, et Notre-Dame n’est apparue qu’au moment où elle est arrivée.

« Je haussai les épaules, sans trouver à articuler une parole, mais j’entrai dans la cour en réfléchissant à la chose. Ma femme était absente. J’allai à la cuisine et je m’assis.

« Sur les entrefaites, Jacinthe arriva, toute joyeuse, avec un rameau à la main et me dit :

– Oh, Papa ! Notre-Dame nous est apparue de nouveau : aux Valinhos !

« Au moment où elle entra, je sentis un parfum extraordinaire, que je ne pouvais m’expliquer. Je tendis la main vers le rameau, et je demandai à la petite :

– Qu’est-ce que tu apportes là ?

– C’est le rameau sur lequel Notre-Dame a posé les pieds. »

Quant à Jean, qui avait assisté à l’Apparition, il alla trouver sa mère, le soir tombé, très déçu de n’avoir pu contempler la vision lui aussi :

« J’ai vu Lucie, François et Jacinthe s’agenouiller près de l’arbre. Puis j’ai écouté ce que disait Lucie. Quand elle a dit : “ Voilà qu’Elle part ! Regarde Jacinthe ! ” j’ai entendu un coup de tonnerre semblable à l’éclatement d’une fusée. Mais je n’ai rien vu. Pourtant les yeux me font encore mal d’avoir tant regardé en l’air. »