Suite et fin de « L’Apparition de la Très Sainte Vierge sur la montagne de la Salette le 19 septembre 1846 » publiée par la Bergère de la Salette avec l’imprimatur de Mgr l’évêque de Lecce.
« Le soir du 19 septembre, nous nous retirâmes un peu plus tôt qu’à l’ordinaire. Arrivée chez mes maîtres, je m’occupais à attacher mes vaches et à mettre tout en ordre dans l’écurie. Je n’avais pas terminé que ma maîtresse vint à moi en pleurant et me dit : « Pourquoi, mon enfant, ne venez-vous pas me dire ce qui vous est arrivé sur la montagne ?»
(Maximin n’ayant pas trouvé ses maîtres, qui ne s’étaient pas encore retirés de leurs travaux, était venu chez les miens et avait raconté tout ce qu’il avait vu et entendu). Je lui répondis : « Je voulais bien vous le dire, mais je voulais finir mon ouvrage auparavant».
Je commence et, vers la moitié du récit, mes maîtres arrivèrent de leurs champs ; ma maîtresse qui pleurait en entendant les plaintes et les menaces de notre tendre Mère, dit : « Recommencez tout ce que vous m’avez dit». Je recommence et lorsque j’eus terminé, mon maître dit : « C’était la Sainte Vierge, ou bien une grande sainte qui est venue de la part du bon Dieu ; mais c’est comme si le bon Dieu était venu lui-même ; il faut faire tout ce que cette Sainte a dit. Comment allez-vous faire pour dire cela à tout son peuple ?» Je lui répondis : « Vous me direz comment je dois faire, et je le ferai».
Après un moment de silence, mon maître dit en s’adressant à Maximin et à moi : « Savez-vous ce que vous devez faire, mes enfants ? Demain, levez-vous de bon matin, allez tous deux à Monsieur le curé, et racontez-lui tout ce que vous avez vu et entendu ; dites-lui bien comment la chose s’est passée ; il vous dira ce que vous avez à faire ».
Le 20 septembre, lendemain de l’apparition, je partis de bonne heure avec Maximin. Arrivés à la cure, je frappe à la porte. La domestique de Monsieur le curé vint ouvrir et demanda ce que nous voulions. Je lui dis (en français, moi qui ne l’avais jamais parlé) : « Nous voudrions parler à Monsieur le curé ». – « Et que voulez-vous lui dire ? » nous demanda-t-elle. Nous lui racontâmes une bonne partie du discours de la Très Sainte Vierge. M. l’abbé Perrin, curé de la Salette, qui nous avait entendus, ouvrit la porte avec fracas : il pleurait ; il se frappait la poitrine ; il nous dit : « Mes enfants, nous sommes perdus, le bon Dieu va nous punir. Ah ! mon Dieu, c’est la Sainte Vierge qui vous est apparue !» Et il partit pour dire la sainte messe.
N’ayant pas reçu d’ordre de mes maîtres de me retirer aussitôt après avoir parlé à Monsieur le curé, je ne crus pas faire mal en assistant à la messe. Je fus donc à l’église. La messe commence, et après le premier Évangile, Monsieur le curé se tourne vers le peuple et essaie de raconter à ses paroissiens l’apparition qui venait d’avoir lieu, la veille, sur une de leurs montagnes, et les exhorte à ne plus travailler le dimanche : sa voix était entrecoupée de sanglots, et tout le peuple était ému. Après la Sainte Messe, je me retirai chez mes maîtres.
Monsieur Peytard, qui est encore aujourd’hui maire de la Salette, y vint m’interroger sur le fait de l’apparition ; et après s’être assuré de la vérité de ce que je lui disais, il se retira convaincu. Je continuai de rester au service de mes maîtres jusqu’à la fête de la Toussaint. Ensuite je fus mise comme pensionnaire chez les religieuses de la Providence, dans mon pays, à Corps.
Suite de « L’Apparition de la Très Sainte Vierge sur la montagne de la Salette le 19 septembre 1846 » publiée par la Bergère de la Salette avec l’imprimatur de Mgr l’évêque de Lecce.
« Le lendemain, 19 septembre, je me retrouve en chemin avec Maximin ; nous gravissons ensemble la montagne. Je trouvais que Maximin était très bon, très simple, et que volontiers il parlait de ce dont je voulais parler ; il était aussi très souple, ne tenant pas à son sentiment ; il était seulement un peu curieux, car quand je m’éloignais de lui, dès qu’il me voyait arrêtée, il accourait vite pour voir ce que je faisais, et entendre ce que je disais avec les fleurs du Bon Dieu ; et s’il n’arrivait pas à temps, il me demandait ce que j’avais dit. Maximin me dit de lui apprendre un jeu. La matinée était déjà avancée : je lui dis de ramasser des fleurs pour faire le « Paradis ».
Nous nous mîmes tous les deux à l’ouvrage ; nous eûmes bientôt une quantité de fleurs de diverses couleurs. L’Angelus du village se fit entendre, car le ciel était beau, il n’y avait pas de nuages. Après avoir dit au Bon Dieu ce que nous savions, je dis à Maximin que nous devions conduire nos vaches sur un petit plateau près du petit ravin, où il y aurait des pierres pour bâtir le « Paradis ». Nous conduisîmes nos vaches au lieu désigné, et ensuite nous prîmes notre petit repas ; puis nous nous mîmes à porter des pierres et à construire notre petite maison, qui consistait en un rez-de-chaussée qui, soi-disant, était notre habitation, puis un étage au-dessus qui était selon nous le « Paradis ».
Cet étage était tout garni de fleurs de différentes couleurs, avec des couronnes suspendues par des tiges de fleurs. Ce « Paradis » était couvert par une seule et large pierre que nous avions recouverte de fleurs ; nous avions aussi suspendu des couronnes tout autour. Le « Paradis » terminé, nous le regardions ; le sommeil nous vint ; nous nous éloignâmes de là à environ deux pas, et nous nous endormîmes sur le gazon. »
« M’étant réveillée et ne voyant pas nos vaches, j’appelai Maximin et je gravis le petit monticule. De là, ayant vu que nos vaches étaient couchées tranquillement, je redescendais et Maximin, montait, quand tout à coup je vis une belle lumière, plus brillante que le soleil, et à peine ai-je pu dire ces paroles : « Maximin, vois-tu, là-bas ? Ah ! mon Dieu !» En même temps je laisse tomber le bâton que j’avais en main. Je ne sais ce qui se passait en moi de délicieux dans ce moment, mais je me sentais attirée, je me sentais un grand respect plein d’amour, et mon cœur aurait voulu courir plus vite que moi.
Je regardais bien fortement cette lumière qui était immobile, et comme si elle fût ouverte, j’aperçus une autre lumière bien plus brillante et qui était en mouvement, et dans cette lumière une très belle Dame assise sur notre « Paradis », ayant la tête dans ses mains. Une Belle Dame était assise sur notre « Paradis » sans le faire crouler. Cette belle Dame s’est levée, elle a croisé médiocrement ses bras en nous regardant et nous a dit : « Avancez, mes enfants, n’ayez pas peur, je suis ici pour vous annoncer une grande nouvelle».
Ces douces et suaves paroles me firent voler jusqu’à elle, et mon cœur aurait voulu se coller à elle pour toujours. Arrivés bien près de la belle Dame, devant elle, à sa droite, elle commence le discours, et des larmes commencent aussi à couler de ses beaux yeux :
« Si mon peuple ne veut pas se soumettre, je suis forcée de laisser aller la main de mon Fils. Elle est si lourde et si pesante que je ne puis plus la retenir. Depuis le temps que je souffre pour vous autres ! Si je veux que mon Fils ne vous abandonne pas, je suis chargée de le prier sans cesse. Et pour vous autres, vous n’en faites pas cas. Vous aurez beau prier, beau faire, jamais vous ne pourrez récompenser la peine que j’ai prise pour vous autres.
Je vous ai donné six jours pour travailler, je me suis réservé le septième et on ne veut pas me l’accorder. C’est ce qui appesantit tant le bras de mon Fils. Ceux qui conduisent les charrettes ne savent pas parler sans y mettre le Nom de mon Fils au milieu. Ce sont les deux choses qui appesantissent tant le bras de mon Fils.
Si la récolte se gâte, ce n’est qu’à cause de vous autres. Je vous l’ai fait voir l’année passée par les pommes de terre ; vous n’en avez pas fait cas ; c’est au contraire, quand vous en trouviez de gâtées, vous juriez, et vous mettiez le Nom de mon Fils. Elles vont continuer à se gâter ; à la Noël, il n’y en aura plus. Si vous avez du blé, il ne faut pas le semer. Tout ce que vous sèmerez, les bêtes le mangeront ; et ce qui viendra, tombera tout en poussière quand vous le battrez. Il viendra une grande famine. Avant que la famine vienne, les petits enfants au-dessous de sept ans prendront un tremblement et mourront entre les mains des personnes qui les tiendront ; les autres feront pénitence par la faim. Les noix deviendront mauvaises ; les raisins pourriront ».
Ici, la belle Dame qui me ravissait, resta un moment sans se faire entendre ; je voyais cependant qu’elle continuait, comme si elle parlait, de remuer gracieusement ses aimables lèvres. Maximin recevait alors son secret. Puis, s’adressant à moi, la Très Sainte Vierge me parla et me donna un secret en français. Ce secret, le voici tout entier, et tel qu’elle me l’a donné : »