Fatima : 13 octobre 1917, le miracle du Soleil

Soixante-dix mille personnes étaient présentes et seront témoins du grand miracle.

Il était à peu près 1 heure de l’après-midi et il pleuvait.

« Nous étions parvenus à la Cova da Iria, près du chêne-vert, raconte Lucie, quand je me sentis poussée par un mouvement intérieur, et demandai à la foule de fermer les parapluies pour réciter le chapelet. »

Du haut de la route, abrités dans leurs voitures, tous ceux qui n’avaient pas eu le courage de s’aventurer dans le bourbier argileux de la Cova assistèrent alors à un spectacle stupéfiant :

« À un moment donné, nota l’un d’eux, cette masse confuse et compacte ferma les parapluies, se découvrant ainsi dans un geste qui devait être d’humilité ou de respect, mais qui me laissa surpris et plein d’admiration, car la pluie, avec obstination, mouillait toujours les têtes, détrempait et inondait tout. »

Cependant, quelques minutes avant le miracle, il cessa de pleuvoir. Le soleil perça victorieusement l’épaisse couche de nuages qui le cachait jusque-là, et brilla intensément.

Il était 13h30 lorsque les trois enfants virent l’éclair, et Lucie s’écria :

« Silence ! Silence ! Notre-Dame va venir ! Notre-Dame va venir ! »

Maria Rosa, qui avait réussi à rester là, toute proche, n’oublia pas de donner à son enfant un conseil maternel :

« Regarde bien, ma fille. Prends garde de ne pas te tromper ! »

Mais Notre-Dame apparaissait déjà au-dessus du chêne-vert, posant ses pieds sur les rubans de soie et les fleurs, pieusement disposés la veille par la fidèle Maria Carreira.

Alors, le visage de Lucie devint de plus en plus beau et prit une teinte rose ; ses lèvres s’amincirent. Jacinthe, dans un geste de sainte impatience, donna un coup de coude à sa cousine et lui dit :

« Parle, Lucie, Notre-Dame est déjà là ! »

Lucie revint à elle-même, respira deux fois profondément, comme quelqu’un qui n’avait plus le souffle, et commença son entretien, d’une politesse toujours aussi exquise, avec Notre-Dame.

« Que veut de moi Votre Grâce ?

– Je veux te dire que l’on fasse ici une chapelle en mon honneur. Je suis Notre-Dame du Rosaire. Que l’on continue toujours à réciter le chapelet tous les jours. La guerre va finir et les militaires rentreront bientôt chez eux.

– J’avais beaucoup de choses à vous demander : de guérir quelques malades et de convertir quelques pécheurs, etc.

– Les uns oui, les autres non. Il faut qu’ils se corrigent, qu’ils demandent pardon pour leurs péchés.

Et, prenant un air plus triste :

– Que l’on n’offense pas davantage Dieu, Notre-Seigneur, car Il est déjà trop offensé !

– Vous ne voulez rien de plus de moi ?

– Non, je ne veux rien de plus de toi.

– Alors, moi, je ne demande rien non plus. « 


Comme le 13 septembre, pendant que Notre-Dame s’entretenait avec Lucie, la foule put voir par trois fois se former autour du chêne-vert la même nuée qui s’élevait ensuite dans l’air avant de se dissiper.

Puis Lucie cria :

« Regardez le soleil ! »

« Ouvrant alors les mains, raconte Lucie, Notre-Dame les fit se réfléchir sur le soleil et, pendant qu’Elle s’élevait, le reflet de sa propre lumière continuait à se projeter sur le soleil. »
« Ce fut alors que l’on put regarder parfaitement le soleil, rapporte le père de Jacinthe et de François, sans en être incommodé. On aurait dit qu’il s’éteignait et se rallumait, tantôt d’une manière, tantôt d’une autre. Il lançait des faisceaux de lumière, de-ci, de-là, et peignait tout de différentes couleurs : les arbres, les gens, le sol, l’air. Mais la grande preuve du miracle était que le soleil ne faisait pas mal aux yeux. »

Nul n’aurait pu imaginer ce qui survint alors : le soleil eut quelques secousses puis se mit à tourner sur lui-même.

« Tout le monde demeurait immobile. Tout le monde se taisait… Tous regardaient le ciel. À un certain moment, le soleil s’arrêta, et puis recommença à danser, à tournoyer ; il s’arrêta encore une fois, et se remit encore une fois à danser, jusqu’au moment, enfin, où il parut se détacher du ciel et s’avancer sur nous. Ce fut un instant terrible ! »

Maria Carreira décrit dans les mêmes termes la stupéfiante chute du soleil :

« Il produisait différentes couleurs : jaune, bleu, blanc ; et il tremblait, tremblait tellement ! il semblait une roue de feu qui allait tomber sur la foule. On criait : “ Ô Jésus ! nous allons tous mourir ! ” “ Ô Jésus ! nous mourons tous ! ” D’autres s’écriaient : “ Notre-Dame, au secours ! ” Et ils récitaient l’acte de contrition. Il y avait même une dame qui faisait sa confession générale, et disait à haute voix : “ J’ai fait ceci, j’ai fait cela… et cela encore ! ”

« Finalement, le soleil s’arrêta, et tous poussèrent un soupir de soulagement. Nous étions vivants, et le miracle annoncé par les enfants avait eu lieu. »

La promesse de Notre-Dame s’était réalisée à la lettre. Tous avaient vu. Maria Rosa aussi ! Son témoignage fut donc d’autant plus probant que son opposition avait été, depuis le début, tenace et systématique.

« Maintenant, déclarait-elle, on ne peut pas ne pas y croire ; car le soleil, personne ne peut y toucher. »

Durant les dix minutes où la foule put contempler le grandiose miracle cosmique, les trois voyants jouissaient d’un spectacle différent. La Vierge Marie réalisait pour eux ses promesses du 19 août et du 13 septembre. Il leur fut donné d’admirer, en plein ciel, trois tableaux successifs.

Écoutons Lucie :

« Notre-Dame ayant disparu dans l’immensité du firmament, nous avons vu, à côté du soleil, Saint Joseph avec l’Enfant-Jésus et Notre-Dame vêtue de blanc avec un manteau bleu. Saint Joseph et l’Enfant-Jésus semblaient bénir le monde avec des gestes qu’ils faisaient de la main en forme de croix. »

« Peu après, cette Apparition ayant cessé, j’ai vu Notre-Seigneur, et Notre-Dame qui me donnait l’impression d’être Notre-Dame des Douleurs. Notre-Seigneur semblait bénir le monde, de la même manière que Saint Joseph. »

« Cette Apparition disparut, et il me sembla voir encore Notre-Dame sous l’aspect de Notre-Dame du Carmel, parce qu’Elle avait quelque chose qui pendait de sa main. » Ce “ quelque chose ” était le scapulaire.

Lorsque le soleil reprit sa place, mais pâle et sans éclat, se produisit un fait inexplicable naturellement. Tous ces gens, qui avaient été trempés par la pluie, se trouvèrent soudain, avec joie et stupéfaction, complètement secs. La Très Sainte Vierge avait ainsi multiplié les merveilles, en Mère attentive et bienfaisante, pour confirmer la vérité des affirmations des enfants.

On remarqua aussi avec étonnement et soulagement que, dans la masse des gens qui empruntèrent des moyens de transport si nombreux et si divers, pas un seul accident ne fut à déplorer ni un seul désordre à enregistrer.

« Alors, raconte le docteur Carlos Mendès, je pris Lucie dans mes bras pour la porter jusqu’à la route. Ainsi, mon épaule fut la première tribune d’où elle a prêché le message que venait de lui confier Notre-Dame du Rosaire.

« Avec un grand enthousiasme et une grande foi, elle criait :

– Faites pénitence ! Faites pénitence ! Notre-Dame veut que vous fassiez pénitence. Si vous faites pénitence, la guerre finira… »

Faire pénitence, en portugais, équivaut à “ se convertir ”, “ revenir à Dieu ”,“ fuir le péché ”, et non “ faire des pénitences, des mortifications ”.

« Elle paraissait inspirée… C’était vraiment impressionnant de l’entendre. Sa voix avait des intonations comme la voix d’un grand prophète. »

Fatima : 13 septembre 1917

Lucie, Jacinthe et François avaient hâte qu’arrive enfin le jour de l’Apparition de Notre-Dame. Des souffrances et des luttes pénibles mettaient constamment à l’épreuve leur patience, déjà héroïque.

On se moquait de plus belle des “ visionnaires ”, de cette Dame qui se promenait le treize de chaque mois au-dessus des arbres. On les menaçait, comme s’ils avaient été des criminels.

Le mépris qu’ils rencontraient de la part des gens du hameau, dont certains, rappelons-le, ne se gênaient pas pour battre Lucie, les humiliait profondément. L’attitude du Curé de la paroisse, d’une froideur qui confinait à l’hostilité, ainsi que celle des autres prêtres des environs, torturait leurs âmes sensibles.

Le nombre des gens qui croyaient aux Apparitions augmentait néanmoins d’une manière extraordinaire. Le 13 septembre, il y eut donc un grand afflux de pèlerins. La Cova da Iria était, pour les âmes simples et dévotes, un centre d’attraction irrésistible. Dès l’aube, toutes les routes menant à Fatima étaient noires de monde. On dénombra ce jour-là entre vingt-cinq mille et trente mille personnes. La plupart des pèlerins récitaient pieusement leur chapelet.

Parmi cette multitude de pèlerins, il y avait cette fois, fait notable, quelques prêtres ainsi qu’un certain nombre de séminaristes.

Pour sa part, Lucie donna, avec sa modestie ordinaire, ce récit émouvant qui nous dépeint un véritable tableau d’Évangile :

« Quand le moment fut venu, je m’en allai là-bas avec Jacinthe et François, au milieu des nombreuses personnes qui nous laissaient à peine avancer et qui, toutes, voulaient nous voir et nous parler. Beaucoup de gens du peuple, et même des dames et des messieurs, fendant la foule qui se pressait autour de nous, venaient s’agenouiller devant nous, en nous priant de présenter à Notre-Dame leurs intentions.

« On voyait là toutes les misères de la pauvre humanité. Certains criaient même du haut des arbres ou des murs sur lesquels ils étaient montés pour nous voir passer.

Les trois petits arrivèrent enfin près du chêne-vert, et Lucie, comme de coutume, demanda que l’on récite le chapelet avec elle. Tous se mirent donc à genoux, riches et pauvres, et répondirent à haute voix aux Ave Maria.

« À midi, raconte M. l’abbé Quaresma témoin de la scène, le silence se fit dans cette multitude. On n’entendait plus que le murmure des prières.

« Subitement, des cris de joie retentissent, des bras s’élèvent, et montrent quelque chose dans le ciel :

– Regardez !… Ne voyez-vous pas ?

– Si, je vois !…

« La satisfaction brillait dans les yeux de ceux qui voyaient. Le ciel était bleu, sans aucun nuage. Je levai aussi les yeux, et je me mis à scruter l’immensité du firmament, pour voir ce que d’autres yeux, plus heureux que les miens, avaient déjà contemplé. À mon grand étonnement, je vis alors, clairement et distinctement, un globe lumineux, se déplaçant du levant vers le couchant, et glissant majestueusement dans l’espace… Soudain, le globe, avec sa lumière extraordinaire, disparut à nos yeux. Près de nous, se trouvait une petite fille, habillée comme Lucie, et à peu près du même âge. Toute joyeuse, elle continuait à crier :

– Je le vois encore… Je le vois encore… Maintenant, il descend ! » … Il se dirigeait en effet vers le chêne-vert de l’Apparition.

Alors, l’éclat du soleil diminua, l’atmosphère devint jaune d’or, comme les fois précédentes. Le jour baissa tellement que certains rapportèrent avoir distingué les étoiles dans le ciel.

Lucie interrogea la Vierge Immaculée : « Que veut de moi Votre Grâce ?

– Continuez à dire le chapelet afin d’obtenir la fin de la guerre. En octobre, Notre-Seigneur viendra ainsi que Notre-Dame des Douleurs et du Carmel, Saint Joseph avec l’Enfant-Jésus afin de bénir le monde. Dieu est satisfait de vos sacrifices, mais il ne veut pas que vous dormiez avec la corde. Portez-la seulement pendant le jour.

– Il y a beaucoup de gens qui disent que je suis une menteuse, que je mériterais d’être pendue ou brûlée. Faites un miracle, pour que tous croient !

– Oui, en octobre, Je ferai le miracle pour que tous croient. »

Et Elle commença à s’élever, disparaissant comme d’habitude. Lucie s’écria alors :

« Si vous voulez La voir, regardez par là ! »

Et elle montra du doigt la direction du levant. Alors, de nouveau, l’on vit le globe lumineux, de forme ovale, prendre son essor et s’éloigner de la Cova da Iria en direction de l’orient. Céleste véhicule qui semblait reconduire la Reine des Anges à sa demeure éternelle.

Pendant le temps de l’Apparition, la plupart des pèlerins avaient joui d’un merveilleux spectacle : ils virent tomber du ciel comme une pluie de pétales blancs, ou de flocons de neige ronds et brillants qui descendaient lentement et disparaissaient en arrivant à terre.

De toutes parts, en effet, on entendait des cris de joie et des louanges à Notre-Dame. Certains, cependant, n’avaient rien vu, telle cette femme, simple et pieuse, qui pleurait amèrement en répétant, désolée :

« Je n’ai rien vu… »

La privation de cette consolation fut, pour ces pèlerins-là, une dure épreuve. Il leur restait à faire confiance, aveuglément, à la parole de Notre-Dame, et à continuer d’espérer fermement être plus heureux le 13 octobre.

Elle était revenue ! Comme Elle était fidèle ! Et Elle avait confirmé la proche venue de Notre-Seigneur, de Saint Joseph et de l’Enfant-Jésus ! Assurément, cette Apparition du 13 octobre serait plus éclatante encore que les précédentes. Encore plus belle ? Était-ce possible ?

François avait hâte d’interroger Lucie afin de connaître avec précision les paroles de la Vierge Marie qu’il n’avait pas entendues. Il était avide de comprendre les volontés de la Reine du Ciel et non moins empressé d’y correspondre, en bon enfant de Marie.

Jacinthe, elle, avait encore dans l’oreille la voix si douce, si nette de l’Immaculée. Le premier souci de cette tendre Mère n’avait-il pas été de transmettre le contentement de leur bon Père Céleste pour leurs sacrifices ? Le bon Dieu était satisfait. Quelle parole merveilleuse et si encourageante ! Voici que Dieu à son tour consolait ses consolateurs. Quelle intimité entre le Père Éternel et ses dévoués serviteurs !

Quelle sollicitude aussi ! Les paroles de la Dame résonnaient dans le cœur de Jacinthe avec un accent maternel inoubliable : « … mais Il ne veut pas que vous dormiez avec la corde. » Lucie avait donc eu raison de conseiller à sa cousine de proportionner ce sacrifice à ses forces. Jacinthe, sans doute dès ce soir-là, abaissa son regard sur le gros nœud qui tenait lié à sa taille ce rude instrument de pénitence et le délia, par obéissance. Par obéissance, elle s’imposerait de renouer la corde le lendemain matin puisque telle était la volonté du bon Dieu : « Portez-la seulement pendant le jour. » Le frottement de la corde raviverait alors l’écorchure de la peau, mais qu’était-ce en comparaison des épines que Jacinthe avait vues s’enfoncer dans le Cœur si tendre de la Vierge Immaculée ? Puisque sa Mère souffrait, l’enfant voulait partager et apaiser cette souffrance par son propre sacrifice volontaire. La force, l’un des sept dons du Saint-Esprit, enhardissait son âme.

De son côté, en grande fille déjà sérieuse, Lucie se rappelait surtout le visage grave de la Vierge Marie : Elle n’avait pas non plus souri cette fois-ci, à aucun moment.

L’important, c’était le prochain rendez-vous, avec cette promesse du grand miracle…

Fatima : apparition du 19 août 1917

Les petits voyants de Fatima se désolent car ils ne peuvent pas aller au saint rendez-vous de la Vierge Marie du 13 août. Après de longs interrogatoires, ils ont été séquestrés et ne seront libérés que le 15 août. Quatre jours s’étaient écoulés depuis le retour des enfants de la prison. Ils calculaient tristement qu’il leur faudrait attendre encore presque un mois avant de revoir Notre-Dame. En ce dimanche 19 août, après la Messe paroissiale, Lucie, François ainsi que son frère Jean âgé de onze ans partent aux Valhinos pour y garder leur troupeau.  Jacinthe reste à la maison car sa mère veut lui laver les cheveux.

Il est environ 4 heures de l’après-midi, quand Lucie commence à remarquer dans l’atmosphère les changements qui précédaient les apparitions de Notre-Dame : un rafraîchissement subit de la température, une atténuation de l’éclat du soleil, enfin l’éclair caractéristique.

« Notre-Dame va venir, se dit Lucie… et Jacinthe qui n’est pas là ! »

Elle fait appel à Jean, frère aîné de François et de Jacinthe : « Oh, Jean ! Va vite chercher Jacinthe ! Notre-Dame va venir ! »

Au premier éclair avait succédé un second, et c’est à ce moment même que Jacinthe arrive avec son frère Jean. Peu après, la lumineuse Apparition se montre au-dessus d’un chêne-vert un peu plus élevé que celui de la Cova da Iria. Quelle joie ineffable de La revoir, après avoir tant craint qu’Elle ne revienne plus ! Quelle bonté maternelle de revenir exprès, pour remplacer le rendez-vous manqué six jours auparavant !

Avec une confiance toute filiale, Lucie demanda :

« Que veut de moi Votre Grâce ?

– Je veux que vous continuiez d’aller à la Cova da Iria le 13, que vous continuiez à réciter le chapelet tous les jours. Le dernier mois, Je ferai le miracle afin que tous croient. Si l’on ne vous avait pas emmenés à la Ville, le miracle aurait été plus connu. Saint Joseph viendra avec l’Enfant-Jésus, pour donner la paix au monde. Notre-Seigneur viendra bénir le peuple. Viendra aussi Notre-Dame du Rosaire et Notre-Dame des Douleurs. »

Et, prenant un air plus triste :

« Priez, priez beaucoup et faites des sacrifices pour les pécheurs, car beaucoup d’âmes vont en enfer parce qu’elles n’ont personne qui se sacrifie et prie pour elles. »

Et comme d’habitude, Elle commença à s’élever en direction du levant. 

Les enfants, cette fois, voulurent cueillir eux-mêmes un rameau du chêne-vert sur lequel s’étaient posés les pieds de la Vierge Marie.

Le frère et la sœur tenaient à la main le précieux rameau de l’arbuste, souvenir de l’Apparition. En entrant dans le village, ils trouvèrent, quelques personnes à la porte de la maison de Lucie.

Jacinthe, tout émue, dit aussitôt à la mère de Lucie :

« Oh, ma tante ! Nous avons vu encore une fois Notre-Dame !

– Ah, Jacinthe ! Vous serez donc toujours des menteurs ? Est-ce que Notre-Dame va maintenant apparaître partout où vous allez ?

– Mais nous l’avons vue ! » insistait la petite. Et, montrant à sa tante le rameau de chêne-vert qu’elle tenait à la main, elle continua : « Voyez, ma tante ! Notre-Dame avait un pied sur cette petite branche, et un autre sur celle-ci.

– Donne !… Montre-le-moi ! »

Jacinthe lui remit le rameau, et Maria Rosa le porta à son nez. « Mais quelle est cette odeur ? » Sa curiosité était piquée au vif. Elle continuait à le sentir et s’étonnait : « Ce n’est pas du parfum… ni de l’encens… ni de la savonnette… Cela sent la rose. Non, ce n’est pas encore cela, ni rien de ce que je connais !… Quelle bonne odeur ! »

Tous voulurent sentir aussi le rameau et tous trouvèrent l’odeur très agréable. Enfin, Maria Rosa le posa sur la table : « Je le laisse là. Je trouverai bien quelqu’un qui saura identifier cette odeur. »

Depuis ce moment, la mère de Lucie commença à être ébranlée dans son opposition aux Apparitions. Elle retrouva un peu de paix. Elle avait souvent dit : « S’il y avait au moins une autre personne qui ait vu quelque chose, je croirais peut-être ! Mais parmi tant de monde, eux seuls voient ! » Or, durant ce dernier mois, certains rapportaient avoir vu divers phénomènes. Maria Rosa d’observer alors : « Pour moi, il me semblait, auparavant, que s’il y avait eu quelqu’un d’autre à voir quoi que ce soit, j’aurais cru. Mais, à présent, tant de gens disent avoir vu quelques signes et je ne parviens pas à croire. »

Le père de Lucie, quant à lui, commença à prendre sa défense. Quand ses sœurs se moquaient d’elle, leur père les priait de la laisser en paix, car ses dires pouvaient être vrais.

Ce même 19 août, dès que Maria Rosa eut repris ses occupations domestiques, Jacinthe rentra furtivement dans la maison et s’empara du rameau pour le montrer à ses parents.

Monsieur Marto, en effet, n’apprit que le soir la nouvelle apparition de la Vierge Marie à ses enfants. Écoutons-le :

« J’étais allé ce jour-là faire un tour dans mes champs. Après le coucher du soleil, je revins à la maison. J’étais sur le point d’y entrer, lorsque je rencontrai un ami qui me dit :

– Oh ! Ti Marto, le miracle est plus certain désormais.

– Moi, je ne sais rien, répondis-je.

– Quoi ? Vous ne savez pas ?

– Non ! Que pourrais-je savoir de plus ?

– Eh bien, sachez que Notre-Dame est apparue, il y a un instant aux Valinhos, à vos enfants et à Lucie. C’est sûr ! Ti Manuel, et, croyez-moi ! votre Jacinthe a une “ vertu ” particulière. Elle n’était pas avec les autres… Quelqu’un est venu l’appeler, et Notre-Dame n’est apparue qu’au moment où elle est arrivée.

« Je haussai les épaules, sans trouver à articuler une parole, mais j’entrai dans la cour en réfléchissant à la chose. Ma femme était absente. J’allai à la cuisine et je m’assis.

« Sur les entrefaites, Jacinthe arriva, toute joyeuse, avec un rameau à la main et me dit :

– Oh, Papa ! Notre-Dame nous est apparue de nouveau : aux Valinhos !

« Au moment où elle entra, je sentis un parfum extraordinaire, que je ne pouvais m’expliquer. Je tendis la main vers le rameau, et je demandai à la petite :

– Qu’est-ce que tu apportes là ?

– C’est le rameau sur lequel Notre-Dame a posé les pieds. »

Quant à Jean, qui avait assisté à l’Apparition, il alla trouver sa mère, le soir tombé, très déçu de n’avoir pu contempler la vision lui aussi :

« J’ai vu Lucie, François et Jacinthe s’agenouiller près de l’arbre. Puis j’ai écouté ce que disait Lucie. Quand elle a dit : “ Voilà qu’Elle part ! Regarde Jacinthe ! ” j’ai entendu un coup de tonnerre semblable à l’éclatement d’une fusée. Mais je n’ai rien vu. Pourtant les yeux me font encore mal d’avoir tant regardé en l’air. »

Fatima le 13 aout 1917

Le 13 août 1917, la Vierge a rendez-vous avec les petits voyants, mais ils ne sont pas là. En effet, l’administrateur du canton, Arthur d’Oliveira Santos, connu pour son anticléricalisme, a demandé à voir les « voyants » et les a fait amener à Ourém. Après les avoir interrogés sans succès, il les fait enfermer pour « trouble à l’ordre public ». La foule apprenant que les enfants ont été mis en prison, est prise de colère, elle marche sur la ville d’Ourém (2 à 3 h de marche) et sur place exige leur libération. Face au scandale et au risque d’émeute, l’administrateur relâche les petits bergers le 15 août.

Malgré l’absence des voyants une foule nombreuse s’installe à la Cova da Iria, la Vierge viendra-t-elle comme Elle l’a promis ? Déjà, le 13 juillet ce nombre avait été exceptionnel : environ 5 000 personnes. Une telle affluence avait rarement été observée pour une apparition. Mais le 13 août, ils furent 18 à 20 000 personnes, chiffre absolument considérable, et ceci trois mois seulement après la première apparition. Depuis, ce chiffre ne fut dépassé qu’en deux occasions, à Fatima les 13 septembre et 13 octobre 1917, avec respectivement près de 30 000 témoins et 70 000 témoins. De plus ces témoins habitaient parfois à plusieurs kilomètres du lieu des apparitions, la plupart ne pouvant venir qu’à pied. En comparaison, à Lourdes par exemple, les affluences culminèrent à environ 5 000 personnes le 3 mars et environ 8 000 le 4 mars 1858, lors des quatorzième et quinzième apparitions.

Mais plus que le grand nombre de témoins, ce qui distingue l’apparition du 13 août de toutes les autres apparitions reconnues par l’Église, à Fatima ou ailleurs, c’est que ce fut une apparition sans voyants, cas absolument unique dans l’histoire des apparitions.

Les milliers de personnes présentes ce jour 13 août avaient observé au moins quatre des signes extérieurs vus lors des précédentes apparitions :

  • Il y eut d’abord l’éclair annonciateur de l’apparition.
  • Il fut accompagné de deux formidables coups de tonnerre. Certains crurent à un attentat fomenté par les anticléricaux et furent pris de frayeur.
  • Puis un petit nuage se posa sur le chêne-vert, y resta quelques instants et remonta vers le ciel.
  • Pendant ce temps, la lumière du jour se modifia et tous les objets extérieurs prirent les couleurs de l’arc-en-ciel au point que les feuilles des arbres ressemblaient à des fleurs.

Voici le témoignage de Maria Carreira tel qu’il est rapporté dans le livre du père De Marchi :

« Un coup de tonnerre se fit entendre. Le coup de tonnerre était plus ou moins semblable à celui de la fois précédente. Les uns disaient qu’il venait de la route, d’autres du chêne-vert… Il me sembla, à moi, qu’il venait de très loin. Tout le monde se tût, effrayé ; quelques-uns se mirent à crier qu’on allait mourir. La foule commença à se disperser, et à s’éloigner du chêne-vert… En fait, personne ne mourut ! Au coup de tonnerre, succéda un éclair, et aussitôt, nous commençâmes tous à remarquer un petit nuage, très joli, de couleur blanche, très léger, qui plana quelques instants au-dessus du chêne-vert, puis s’éleva ensuite vers le ciel et disparut dans les airs. En regardant autour de nous, nous observâmes une chose étrange, que nous avions déjà vue la fois précédente, et que nous devions voir encore dans la suite : les visages des gens avaient toutes les couleurs de l’arc-en-ciel : rose, rouge, bleu… Les arbres ne paraissaient pas avoir des rameaux et des fleurs, mais seulement des fleurs ; tous paraissaient chargés de fleurs et chaque feuille paraissait une fleur. Le sol était recouvert de carreaux de couleurs différentes. Les vêtements aussi étaient de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Les deux lanternes attachées à l’arceau paraissaient être en or.
Certainement Notre-Dame était venue, et elle n’avait pas rencontré les enfants. Quel dommage ! »

Les voyants étant absents, ce jour-là, il n’y avait aucun stimulant psychologique pour pousser les gens à voir : bien au contraire ! Pourtant beaucoup virent, ce qui augmenta d’autant plus leur foi dans les apparitions comme le remarqua le curé de Fatima, l’abbé Ferreira, qui écrivit à l’époque :

« Au dire de milliers de témoins, l’absence des enfants n’a pas empêché la Reine des anges de manifester son pouvoir. Tous ces gens attestent des faits extraordinaires et des phénomènes qui ont enraciné plus profondément leur croyance. »

Cette apparition sans les voyants et devant 18 000 personnes est certainement, après le miracle du soleil, le fait qui authentifie les apparitions de Fatima comme aucune autre apparition mariale ne fut authentifiée, y compris celles de Lourdes. Nulle part ailleurs qu’à Fatima, la Sainte Vierge n’a environné sa venue et authentifié sa présence d’autant de signes aussi extraordinaires.
Et de tels signes extérieurs vus par des milliers de personnes sans la présence des voyants est, à ce jour, un fait absolument unique, ce qui confère aux apparitions de Fatima une place à part parmi les apparitions célestes.

C’est le dimanche 19 août, alors que les enfants font paître leurs troupeaux aux Valhinos, que la Vierge leur apparait, leur demandant de prier pour les âmes pécheresses et promettant à nouveau, pour le 13 octobre, un miracle « afin que tous croient » !

Apparition de la Vierge Marie à Fatima le dimanche 13 mai 1917

C’était le dimanche qui précédait la fête de l’Ascension. Comme d’habitude, les 3 petits bergers, Lucie, François et sa sœur Jacinthe, avant de sortir avec leurs brebis, s’étaient rendus tôt matin à l’église paroissiale pour entendre la première messe dominicale, celle qu’on appelle dans le pays, la « Messe des âmes », parce qu’on y prie spécialement pour les défunts.

La messe finie, les enfants revinrent à la maison, prirent le sac qui contenait leur repas, et allèrent, avec les brebis, jusqu’à un terrain appartenant aux parents de Lucie à la Cova da Iria qui signifie, la tombe de Iria, en souvenir de Sainte Iria (Irène) qui avait préféré mourir plutôt que perdre sa pureté.

Ils traversèrent lentement la lande pour permettre aux brebis de brouter le long du chemin et arrivèrent à l’endroit désigné peu avant midi. Ils ouvrirent alors leurs sacs de provisions, ils se signèrent, comme ils en avaient l’habitude, récitèrent un « Notre Père », et se mirent à manger, en prenant soin cependant de garder quelque chose pour le soir, avant de reprendre le chemin de la maison. Ils dirent ensuite les Grâces et récitèrent le chapelet puis, en haut de la pente de la Cova da Iria, se mirent à construire, pour s’amuser, un petit mur autour d’un buisson, quand soudain ils virent comme un éclair.

Ils se regardent tout surpris. Ils savent qu’il n’y a pas d’éclair sans orage. Ils lèvent les yeux vers le ciel, mais il n’y a le moindre indice de pluie. Pas le plus léger nuage ne vient obscurcir l’azur du ciel. Pas le plus léger souffle de vent. Le soleil est splendide, l’atmosphère chaude et calme.

Cependant, ils décidèrent de rentrer à la maison. Les petits descendirent donc la pente, poussant les brebis en direction de la route.

Arrivés à la moitié de la pente, environ à la hauteur d’un petit chêne-vert qui se trouvait là, ils virent un autre éclair puis une Dame toute vêtue de blanc, et qui répandait la lumière autour d’Elle.

Surpris par cette Apparition, les enfants s’arrêtèrent à environ 1m50 de distance d’Elle. Alors la Dame dit :

– N’ayez pas peur, je ne vous ferai pas de mal.
– D’où venez-vous ? demanda Lucie.

Je suis du Ciel, répondit Notre-Dame.
– Et que voulez-vous de moi ?

– Je suis venue vous demander de venir ici pendant six mois de suite, le 13, à cette même heure. Ensuite, je vous dirai qui je suis et ce que je veux. Après je reviendrai encore ici une septième fois.
– Est-ce que j’irai au Ciel  ? dit l’enfant.

– Oui, tu iras.
– Et Jacinthe ?

– Aussi.
– Et François ?

– Aussi, mais il devra réciter beaucoup de chapelets.


Lucie demanda au sujet de deux jeunes filles mortes depuis peu : Maria, 16 ans, et Amélia, 19 ans, qui allaient chez elle apprendre à tisser :

– Est-ce que Maria est déjà au Ciel ?
– Oui, elle y est.

– Et Amélia ?
– Elle sera au Purgatoire jusqu’à la fin du monde.

Il semble que cette jeune fille soit décédée dans des circonstances comportant un irrémédiable déshonneur en matière de chasteté.

– Voulez-vous vous offrir à Dieu pour supporter toutes les souffrances qu’Il voudra vous envoyer, en acte de réparation pour les péchés par lesquels Il est offensé, et de supplication pour la conversion des pécheurs ?
– Oui, nous voulons.

– Vous aurez alors beaucoup à souffrir, mais la grâce de Dieu sera votre réconfort.

Pendant qu’Elle prononçait ces paroles, Notre-Dame ouvrit les mains et, comme par un reflet qui émanait d’Elle, une lumière intense s’en dégagea. Lucie dit plus tard que « cette lumière intense pénétra notre cœur jusqu’au plus profond de notre âme. Elle nous faisait nous voir nous-mêmes en Dieu, qui était la lumière, plus clairement que nous nous voyons dans le meilleur des miroirs ».

Les enfants se mirent à genoux en récitant intérieurement cette prière : « Ô, Très Sainte Trinité, je Vous adore. Mon Dieu, mon Dieu, je Vous aime dans le Très Saint-Sacrement. »

Avant de partir, Notre-Dame ajouta :

– Récitez le chapelet tous les jours afin d’obtenir la paix pour le monde et la fin de la guerre.

– Quand arrivera la fin de la guerre ?

– Je ne peux le dire encore, tant que je ne t’ai pas dit aussi ce que je veux.

Après ces paroles, Elle s’éleva doucement, en direction du levant, jusqu’à disparaître dans le Ciel. La lumière qui l’environnait semblait lui ouvrir un chemin.

Cette première Apparition dura environ 10 minutes, François vit la Très Sainte Vierge mais n’entendit pas ses Paroles. Jacinthe, elle, voyait et entendait tout, mais n’osa pas parler à Notre-Dame. Seule Lucie eut le privilège de dialoguer avec Elle. Sur le chemin du retour, les enfants décidèrent de n’en rien dire à personne, craignant de n’être pas cru.

Jacinthe, oubliant sa promesse de ne rien dire, en parla aussitôt à ses parents. Ces derniers interrogèrent le petit François qui confirma tout ce qu’avait raconté sa sœur. Cette révélation arriva aux oreilles de Maria, sœur de Lucie. Questionnée, la petite voyante, dut tout raconter pour ne pas mentir, et la nouvelle se sut dans tout le bourg. Ses parents ne croiront pas à ce qui se raconte, et Lucie se fera donc très sérieusement gronder ; ce qui explique que, plus tard, Jacinthe ne dira plus rien sur ce qu’elle verra.

L’information vint jusqu’aux oreilles du Curé-Prieur de Fatima qui se montra assez perplexe et interrogea maladroitement les pastoureaux. Les petits enfants, impressionnés par l’attitude et le ton sévère du curé, ne gagnèrent pas sa confiance. Jacinthe observa même un mutisme total.

Offusqué, l’abbé durcit sa position et transmit le compte rendu de l’interrogatoire au Cardinal du diocèse de Fatima, qui conclut : « il faut se tenir résolument à l’écart de cela ». Dès lors, le curé se conforme à cette directive, en se montrant très hostile aux événements de la Cova da Iria.

(A suivre avec la prochaine apparition du 13 juin 1917)